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Le cinéma plus fort que la mort.

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Je n’ai jamais été fan de Jacques Tati. Même si je me vois comme un cinéphage compulsif, le créateur de Mon Oncle et Jour de fête n’a jamais fait partie de mes cinéastes de chevet. Il me faut même confesser n’avoir, à ce jour, vu de lui que son Playtime, film que j’avais trouvé, à l’époque, aussi passionnant qu’un discours de Fidel.

Pourtant, hier soir, le grand Jacques, qui jusqu’alors m’avait laissé de marbre, m’a fait pleurer. Il a d’ailleurs été aidé en cela par Sylvain Chomet, le réalisateur à qui l’on doit le bijou d’animation Les Triplettes de Belleville ou encore le très inspiré court-métrage Tour Eiffel, réalisé dans le cadre de Paris, je t’aime et visionnable ici.

Mes larmes ont tout d’abord coulé parce que le temps d’un film, je me suis pris à croire que le cinéma a le pouvoir de ressusciter les morts. Car pour ceux qui seraient, dans un élan de nostalgie, tentés d’aller voir Hannibal, Barracuda, Futé et Looping revenir d’entre les morts en cette période de famine cinématographique, il faut savoir que la genèse de l’Illusionniste, c’est un scénario écrit par Tati himself. Le film a été imaginé il y a cinquante ans et, après avoir dormi pendant toutes ces années dans un tiroir de la Cinémathèque Française, a été déterré bien après la disparition de son auteur, pour être finalement porté à l’écran.

J’aime assez l’idée qu’un projet porté par un artiste qui n’a pu le mener à bien de son vivant, soit repris par un autre artiste déterminé à faire revivre un univers qu’on pensait enfoui à jamais. Cela ne marche pas forcément à tous les coups car le continuateur n’est pas toujours à la hauteur de son illustre prédécesseur (je pense notamment à She’s so lovely, film très à la mode dans les années 90 et ayant valu à Sean Penn un prix d’interprétation à Cannes; le film fut écrit par feu John Cassavetes et mis en scène par son tâcheron de fils plusieurs années après la mort du maître, ne laissant après visionnage, qu’une impression de gâchis). Mais lorsque le miracle a lieu, le cinéma devient plus fort que La Mère Faucheuse.

L’Illusionniste, c’est l’histoire d’un grand magicien dégingandé qui ressemble à s’y méprendre à Jacques Tati. Chaque soir devant des salles vides, le vieil illusionniste maladroit mais passionné fait son métier en sortant un lapin peu coopératif de son chapeau. Les temps sont durs et le magicien jamais las de divertir son prochain accepte tous les engagements-même les plus improbables-où qu’ils se trouvent. Il part donc pour un petit patelin en Écosse, honorer un contrat auprès d’un modeste tenancier de pub. Il rencontrera, lors de ce voyage, une jeune villageoise un peu paumée qu’il recueillera et qu’il aimera comme sa propre fille.

L’Illusionniste me fait pleurer car j’ai l’impression qu’il me parle. « Les magiciens n’existent pas », telle est la leçon qu’il nous enseigne. Pour tous les saltimbanques, acrobates, mîmes, clowns et dompteurs de lions, les lendemains déchantent. Les magiciens sensés mettre au pas le réel, n’échappent pas aux dures lois de la société: ils sont condamnés à être garagistes la nuit pour pouvoir assurer leur subsistance et continuer leur rêve éveillé.

N’en déplaise à ses détracteurs (les Inrocks pour ne pas les nommer, dont il suffit, pour se convaincre de la nullité, de consulter le Top 100 des films de la décennie) qui lui reprochent trop souvent son recours à l’imagerie rétro pour touristes, l’univers de Chomet, profondément ancré dans le folklore parigot est une création 100% originale. Loin d’être empêtrés dans un fétichisme stérile, Sylvain Chomet et son crayon nous enchantent à chaque image et sans qu’on y prenne garde, finissent par trouver le point G enfoui quelque part dans un recoin de notre coeur.




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